Dans le cadre du Next festival qui a lieu dans différents lieux culturels lillois du 26 novembre au 11 décembre, j’ai eu la chance d’assister au magnifique travail du chorégraphe flamand Seppe Baeyens nommé Invited, ce samedi 20 novembre dans la grand salle du Grand Bleu.
Dans ce spectacle, aux frontières de la danse et du théâtre, on retient surtout la puissance de ce titre en un mot qui résume toute la philosophie de l’expérience que j’ai pu vivre : ici on ne vient pas voir une pièce, on est « invité » à la construire tous ensemble !
Et, selon moi, l’objectif est relevé ! Commencer une pièce dans le noir le plus complet, assis, à laisser son oreille naviguer dans un chœur de voix pour finir, toujours dans le noir mais cette fois-ci tous debout et sur scène en s’applaudissant mutuellement, c’est à la fois beau et mystérieux !
Mais alors, comment cela est-il possible ? Comment peut-on réunir un public où toutes les générations s’entremêlent sur un seul et même plateau dans la synergie la plus totale ?
La réponse, je ne l’avais toujours pas vraiment trouvée en sortant de la salle. En revanche, bien qu’il y ait une part de mystère et de magie qui donne tout son poids à la représentation, je peux vous dévoiler quelques pistes que j’ai trouvées dans un coin de ma tête durant mon enquête rétrospective.
D’abord, il y a des chefs d’orchestre : comédiens, danseurs, chanteurs, musiciens… Tous à leur manière, ils sont choisis à l’avance et coordonnent le spectacle à la minute près. Les danseurs et comédiens orientent ce grand cordon bleu qui fait office de siège et qui finit par prendre la forme d’un grand rassemblement convivial autour d’un feu de camp – ou bien parfois plus intimiste devant les musiciens, à écouter une voix douce et mélodieuse qui rappelle le calme des soirées d’été, à contempler un beau coucher de soleil. De même, ce sont eux qui nous guident, tels des marionnettes à entrer dans la danse, dans leur jeu. C’est par exemple cette dame âgée qui, en me proposant de la porter jusqu’à l’autre bout du cercle, me fait passer d’un spectateur actif et interrogateur à un réel acteur. Ça y est, je suis dans le tableau que j’observais avec curiosité quelques minutes plus tôt ! Puis, le musée se met en mouvement : je propose à une autre personne de m’accompagner, je me rassieds pendant 2 minutes, puis je rejoins de nouveau le cercle pour un petit footing. Bref, il s’est passé quelque chose d’incroyable : on a changé mon rôle et mon utilité par une simple invitation !

Mais, les musiciens ont aussi une place-clé : ils donnent le rythme, la cadence. Les
montées de grosse caisse à la batterie prennent des airs de marathon dans la salle, où tous les gens sur scène courent à en avoir le tournis, a contrario certains passages plus doux permettent de renouveler les participants.
Vous l’aurez compris, tout est prévu d’avance, mais cela semble tellement naturel que,
jusqu’au moment des saluts, je me demandais, avec mes voisins de cordée, « mais bon
sang, qui sont ceux qui nous manipulent aussi bien ? ». La réponse vous la connaissez à
présent : nous tous et personne à la fois ! Je n’avais jamais vu une telle représentation qui révolutionne le théâtre contemporain et casse avec subtilité les codes du classique. Bref, tout ce que j’aime dans le théâtre !
Si jamais cette grande corde bleue vous attend à l’entrée d’une salle de spectacle, vous ne pourrez céder à la tentation d’être « Invited »…
Benjamin MOINDROT